Dévoiler une boîte noire: l’exposition «Traces de la disparition» au musée La Tertulia

Julian Hernández
8 mai 2024

En début d’année, je suis retourné dans ma ville natale, Cali, en Colombie. Des amis m’ont recommandé de visiter le musée La Tertulia, pour y voir «Huellas de desaparición» (Traces de disparition), une exposition qui ne manquerait pas d’attirer mon attention, et ils avaient raison.

deux personnes à l'exposition regardant une carte de données
© Site officiel du musée La Tertulia

Cette exposition a été réalisée par la Commission de la Vérité de Colombie en collaboration avec l’agence Forensic Architecture. Leurs recherches s’articulent autour de trois thèmes sensibles de l’histoire colombienne:


L’objectif de l’exposition est d’approfondir les détails de ces événements. Elle tire ces aperçus d’une analyse géospatiale, de données, d’images aériennes et satellitaires.

L’expertise, le savoir-faire et le temps investis dans cette exposition sont stupéfiants. La quantité de données traitées est gigantesque: des dizaines d’heures de vidéo ont dû être visionnées et analysées, des centaines de documents lus et des ensembles de données analysés, et des éléments et des modèles identifiés dans des centaines d’images, afin de mettre en lumière de nombreuses observations présentées sous la forme de visualisations de données. 

Voici quelques visualisations de données qui faisaient partie de l’exposition:

Preuves négatives

Lors de ma visite, une visualisation de données a davantage attiré mon attention.

«Evidencia Negativa» (Preuve négative) est une murale au sujet des victimes de disparitions forcées à la suite du siège du Palais de justice. Plus précisément, elle détaille les actions menées par les proches des victimes et leur recherche de preuves afin de comprendre ce qu’il s’est passé ce jour-là.

Cette fresque/visualisation de données enregistre tous les événements majeurs, les victoires et les obstruction auxquelles les proches des victimes ont fait face dans leur recherche de réponses depuis 1985.

Ce projet permet au lecteur de comprendre comment les preuves ont été cachées, les enquêtes et les données bloquées dans les années qui ont suivi l’événement. Au fil du temps et des évènements politiques et sociaux, ces blocages se sont transformés en réponses et ont permis aux familles et aux amis des victimes de mieux comprendre ce qui s’était passé ce jour-là.

Apprenons à le lire:

Le projet traite l’information de manière efficace, mais ce qui a attiré mon attention, c’est la manière dont il transmet le poids émotionnel du sujet:

  • La taille de la fresque aide le lecteur à prendre conscience du temps qui passe. Il faut se déplacer dans la pièce pour lire la fresque et traverser les années. En faisant cette action, on a davantage l’impression que «ces 20 années ont été sans réponse», et l’on ressent plus clairement le fossé de l’inaction qui s’est creusé.
  • Le projet ramène l’élément humain au centre de l’attention et le coût de rétention constant de l’information, en ajoutant la date du décès de plusieurs membres de la famille des victimes au bas de la fresque. Ceux-ci sont décédés sans jamais avoir su ce qui est arrivé à leurs proches.
  • Les annotations qui accompagnent les moments importants de la visualisation sont écrites de manière respectueuse mais directe, ce qui permet de communiquer ces moments clés de l’histoire.

Ce projet m’a permis de mieux comprendre le siège du Palais de justice et l’histoire qui l’entoure. J’en ai également appris plus sur les disparitions forcées qui s’en sont suivies. C’est grâce à cette fresque et cette exposition que j’ai pris conscience du temps qui s’est écoulé sans réponse, non pas comme un chiffre ou un fait, mais comme une donnée à valeur émotive, et de l’incroyable quantité d’obstacles rencontrés par les proches à la recherche de la vérité.

Vous pouvez explorer la visualisation des preuves négatives en profondeur ici.

Bon nombre des visualisations de données présentées dans l’exposition n’étaient pas des plus faciles à lire, mais comme les bonnes œuvres d’art, plus on s’y attarde, plus on en voit, plus on comprend et enfin plus on ressent le poids des idées qu’elles transmettent.

La visualisation de données est un outil formidable pour partager des informations, mais elle peut aussi être un moyen de toucher le cœur des gens. Lorsqu’elle est utilisée de cette manière, elle génère un impact sur le lecteur dont il se souviendra plus longtemps que d’un graphique standard.

Si vous vous trouvez à proximité d’un musée qui organise cette exposition, je vous recommande de la visiter. Elle se trouve actuellement au musée «La Tertulia» à Cali, en Colombie jusqu’au 31 mai 2024. Elle nous rappelle non seulement le pouvoir de la visualisation des données, mais aussi celui du journalisme, de la recherche de la vérité et de l’obligation pour les personnes et les institutions de rendre compte de leurs actes.

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Julian Hernández

Julian Hernández est un designer d’information chez Voilà:. Il crée des visualisations de données engageantes et révélatrices qui aident le public à voir les données sous un angle différent et à envisager de nouvelles possibilités.
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