Une autre étape sombre, une autre visualisation de données

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15 mai 2022

La première page du New York Times d’aujourd’hui, avec une carte d’un million de décès rapportés, nous donne une nouvelle occasion de réfléchir aux limites de la visualisation des données pour communiquer une tragédie.

Source: New York Times

D’abord, cette carte ne parle pas du tout de pandémie. C’est surtout une carte de la population et elle pourrait représenter les abonnés du câble. Que faire quand votre carte en première page pour représenter une telle tragédie a l’air si… générique?

2020 population distribution in the United States and Puerto Rico. The map is black with white dots representing where the population is located.
Source: US Census Bureau
Source: Shan He

Il existe des graphiques qui réussissent à transmettre, par leur apparence, la réalité sous-jacente des données. 

Prenez ce classique de Simon Scarr pour le South China Morning Post.

Column chart showing the large number of civilian casualties from the US war in Iraq and the much smaller number from the military. It is inverted so that the columns go down instead of up and it is red, so the overall effect is blood dripping.
Source: Simon Scarr

Une guerre sanglante, un bilan sanglant, un graphique sanglant. C’est viscéral.

C’est aussi un coup de génie unique.

Nous devons faire face au fait que de nombreux graphiques se ressemblent, jusqu’à ce que vous lisiez le titre, la légende, les étiquettes. La même tendance à la hausse, la même courbe en cloche, la même carte démographique.

Aucun problème, c’est normal de montrer les données telles qu’elles sont. Mais soyons sérieux : ce n’est pas de l’impact visuel. Ce sont des images banales et vite oubliées.

Cela aggrave le problème central : essayer de transmettre la tragédie de la pandémie à travers des graphiques. 

Les graphiques ont leur place. Ils montrent très clairement la progression et l’analyse de la pandémie. Regardez le travail époustouflant de John Burn-Murdoch.

Mais ce ne sont que des chiffres. 

Nous aimons dire que les anecdotes ne sont pas des données. Mais les anecdotes peuvent être meilleures que les graphiques pour transmettre les grandes tragédies. Prenez Anne Frank. Le journal d’une seule personne a fait plus que tous les graphiques sur la Seconde Guerre mondiale pour nous rapprocher de cette abomination.

Il y a d’autres langages visuels qui ont un impact, qui sont mémorables. Et qui auraient pu faire beaucoup plus de chemin dans une couverture aussi importante du COVID. Comme les photos.

L’un des principaux défauts de la couverture de la COVID est l’absence d’images caractéristiques de la pandémie. 

Tout a commencé en force avec le personnel médical italien épuisé, en février 2020. Mais ensuite, les graphiques ont pris le pas sur les images. Nous avons perdu le lien avec les gens.

Demandez-vous quelle est l’image déterminante de la place Tienamen, du 11-septembre, de la crise des réfugiés syriens, de la famine éthiopienne. Maintenant, quelle est l’image déterminante de la pandémie de COVID? Et nous nous demandons alors pourquoi les gens passent à autre chose avant la fin…

La plupart du temps, nous communiquons sur la COVID avec des visuels qui ressemblent à des graphiques financiers, météorologiques ou sportifs. Pire : ils se ressemblent de jour en jour. Nous nous engourdissons, même à notre responsabilité de le visualiser.

Encore une fois, les graphiques ont leur place. Mais ils ne sont pas le bon outil pour rendre hommage, pour provoquer une réaction émotionnelle à cette immense tragédie. À placarder à la une d’un grand journal pour provoquer un moment de réflexion.

Pour conclure, voici une vraie question, pas une question rhétorique. Avons-nous besoin de transmettre l’échelle d’une tragédie pour provoquer une connexion? Quelle différence cela fait-il?

Je regarde en ce moment le documentaire Netflix sur l’explosion de Challenger et je suis frappé de voir à quel point cette tragédie n’a rien à voir avec son échelle. Sept personnes sont mortes. Mais nous les connaissions. Et nous les pleurons.

Peut-être que l’échelle d’une tragédie n’est pas un bon levier d’empathie. Peut-être que ce qui compte, c’est notre lien avec quelqu’un. 

Et les chiffres n’ont aucun lien humain à offrir.

Ce billet a commencé par un fil de discussion sur Twitter. Rendez-vous sur le fil pour voir les réactions et les discussions qui ont suivi (en anglais).

Francis Gagnon est designer d'information et le fondateur de Voilà: (2013), une agence de visualisation de données spécialisée dans le développement durable.

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