Le plus souvent dans une visualisation, le choix de l’échelle découle assez simplement des données. Il arrive cependant que l’exercice s’avère plus compliqué, comme cela a été le cas lorsque la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq) a fait appel à nous pour visualiser les 4,5 milliards d’années depuis la formation de la Terre… sur un panneau de 20 pouces de large. 4,5 milliards d’années! On a déjà du mal à l’imaginer, alors comment les représenter?
Un défi de taille
Plusieurs obstacles ont vite fait surface: la GIGANTESQUE plage temporelle bien entendu, mais également la concentration des événements pertinents dans un tout petit bout de l’échelle.
Le client voulait situer plusieurs événements « récents » des derniers 300 millions d’années par rapport à la date de la formation de la Terre il y a 4,5 milliards d’années. Il fallait par exemple pouvoir distinguer un point à 7 millions d’années (l’apparition des premiers hominidés) d’un point à 20 000 ans (dernière glaciation). Ces deux événements se situent dans le dernier 0,2% de l’échelle géologique.
La représentation de l’échelle utilisée jusque-là par le client était lisible mais ne respectait pas les véritables écarts entre chaque événement. Dans l’image ci-dessous, les huit derniers points auraient dû tous se confondre et être positionnés sur la ligne « Aujourd’hui ».
Il fallait donc trouver la bonne forme et formule pour éviter l’embouteillage des 500 derniers millions d’années.
Trouver la forme du temps
L’exploration a démarré avec une forme en spirale qui rappelait l’ammonite, dont le fossile est un excellent marqueur chronologique utilisé en géologie. L’enroulement de la ligne était plutôt un bon atout pour lui donner une certaine longueur, mais pas simple d’y intégrer des étiquettes de texte pour nommer les différents événements.
Toutes les formes géométriques ont finalement été testées: grille carrée, losanges, triangles… le problème restait le même: 4,5 milliards d’années, c’est BEAUCOUP d’années.
Est ensuite venue l’idée de faire varier la durée des unités de temps. Un petit losange représenterait 10 000 ans, un moyen 100 000 ans et un grand 500 millions d’années. Une échelle dans l’échelle somme toute! Seulement, dessiner les losanges proportionnels entre eux s’est vite révélé impossible puisqu’on parle ici de multiplier leur taille par 10 puis 500. Soit les plus petits losanges devaient être microscopiques, soit les plus gros ne rentraient pas sur le panneau.
La vague semblait être une forme prometteuse. Les oscillations permettaient de comprimer un peu la longueur de la ligne. En utilisant à nouveau trois tailles de vagues pour trois unités de temps, tout rentrait assez facilement! Cependant, c’était presque trop comprimé… Le fait d’avoir un événement datant de 3 milliards d’années si proche visuellement d’un événement datant de 20 000 ans allait à l’encontre du propos. Nous souhaitions garder cette sensation d’éloignement hors norme dans le temps, donner de la profondeur à l’image, sentir le cours du temps se dérouler.
La solution : faire des vagues
On a donc choisi une autre approche : garder une seule unité de temps, une vague correspondant alors à 6 millions d’années. Pour remonter à la création de la Terre, il fallait donc tracer 750 vagues. Et pour créer l’effet d’éloignement des premières rangées de vagues — tout en gardant en vue que 4,5 milliards d’années, ça fait un bon paquet de vagues à remonter — nous avons décidé de resserrer les premières oscillations puis de les détendre au fur et à mesure, afin que la ligne de temps se déroule jusqu’à aujourd’hui comme une fine pelote de fil. C’est ainsi que le premier boustrophédon* de Voilà: a pris forme!
Ce système s’intégrait bien au format de panneau voulu par le client et nous permettait d’ajouter assez élégamment des marqueurs de temps pour placer des repères géologiques et visuels.
*Écriture ancienne dont les lignes allaient sans interruption de gauche à droite, puis de droite à gauche.
Finalement, il reste très compliqué de rendre compte d’une échelle qui met au défi l’entendement humain. Il est des sujets où les données dépassent l’imaginaire et ce n’est peut être pas une mauvaise nouvelle.
Pour voir le projet au complet c’est ici!
Celia est designer graphique chez Voilà. Elle aime partir d’une idée, d’un concept et en faire toute une histoire belle et efficace. Elle analyse autant qu’elle crée, elle adopte une approche globale autant qu’elle cherche le détail qui compte.