Mêmes graphiques, designers différents: leçons à tirer

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8 septembre 2024

Que se passe-t-il lorsque deux designers d’information travaillant dans la même agence se mettent au défi de repenser une série de graphiques trouvés sur internet? C’est ce que nous vous proposons de découvrir au travers de ce billet de blogue.

Mais d’abord, présentons-nous.

Timour fait du design d’information depuis une dizaine d’années, dont trois ans chez Voilà: en tant que consultant. Sociologue de formation, il aime l’idée d’utiliser le design d’information pour donner plus de visibilité aux informations d’intérêt public.

Patricia est programmeuse et designer d’information chez Voilà: depuis trois ans. Issue d’une formation scientifique, elle a toujours été intéressée par la communication des idées de manière claire et nuancée. Elle utilise le design d’information pour faciliter la prise de décision à l’aide de supports visuels.

Défis à relever!

Comme c’est souvent le cas, l’idée de ce billet de blogue est partie d’une pause café entre deux projets chez Voilà:.

Nous avions trouvé l’article du Centre Canadien de Politiques Alternatives qui présentait ses graphiques préférés de 2023. En les passant en revue, nous nous sommes demandés quels changements nous aurions apporté à ces visuels. C’est ainsi que, spontanément, ce défi a vu le jour. Les consignes étaient simples:

1/ Repenser les graphiques et faire une esquisse
2/ Travailler sur les mêmes graphiques, mais séparément (sans tricher!)
3/ Se rencontrer pour comparer nos résultats et définir nos leçons apprises.

Pour ce faire, nous avons rassemblé les graphiques dans un document en y ajoutant le contexte pertinent. Nous avons dupliqué ce document pour pouvoir y travailler séparément.
Nous n’avons pas fixé de contraintes de temps pour chaque graphique; notre charge de travail nous a servi de limite naturelle.

Voici les principaux enseignements que nous avons tirés de cet exercice.

Avertissement: ce billet n’a pas pour objectif de présenter des refontes complètes des graphiques du Centre Canadien de Politiques Alternatives.
Il s’agit d’un projet personnel qui a été réalisé sans consulter les parties prenantes concernées et nous préférons toujours parler à une ou des personnes ayant une bonne connaissance du sujet avant de nous lancer dans une refonte complète. Nous présentons ici des brouillons préliminaires de concepts qui sont à prendre avec un grain de sel.

Capture d'écran d'un fichier PowerPoint contenant différentes sections pour chaque graphique remanié. La première diapositive est toujours la diapositive originale avec un peu de contexte et les deuxième et troisième diapositives sont les notes de Timour et Patricia.
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Intuitions et décisions

La première chose qui nous a sauté aux yeux en prenant connaissance de nos refontes respectives, est la différence de l’état d’esprit avec lequel nous avons approché la tâche.

Là où Patricia a méticuleusement capturé ses observations, son analyse et ses réflexions, Timour s’est rapidement lancé dans des croquis en documentant de manière succincte les raisons qui ont mené à ses choix visuels.

Ce constat nous a fait sourire car, sans même nous en être rendus compte, il représente parfaitement la manière dont nous travaillons naturellement.

Réflexion de Patricia:
«Nous n’avions pas préparé cette activité, donc je suis partie du principe que notre point d’accord serait la comparaison de nos procédés. J’ai donc fait attention à documenter mes méthodes le plus précisément possible.
Je suis aussi naturellement une “collectionneuse” ; mon approche consiste souvent à recueillir toutes les informations possibles pour préparer mon travail. Je réalise que cette étape m’est nécessaire pour éviter d’être “bloquée” avant même de commencer.»

Une image du graphique original et des deux concepts esquissés par Timour et Patricia. Celui de Timour ne comporte pas beaucoup de notes et se concentre plutôt sur le résultat final, tandis que celui de Patricia laisse plus de place à ses observations et à son analyse avant d'entrer dans un concept. Les deux ont néanmoins converti un graphique à lignes en plusieurs petits graphiques.
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En regardant nos refontes de plus près, nous avons aussi constaté que notre attention se portait sur deux dimensions différentes: le contenu vs la forme.

Les notes de Patricia montrent une attention particulière sur le contenu des refontes, avec des questions telles que: «Est-ce que 2% c’est beaucoup?».

Les notes de Timour se concentrent plus sur la forme que ces refontes peuvent prendre et sur la manière dont le contenant peut mettre en valeur le contenu avec des commentaires tels que «j’aime la combinaison d’un graphique à pente avec un graphique à ligne et un graphique en aire».

Réflexion de Timour:
«Cet exercice a des implications importantes pour mon travail. Il me rappelle que je peux amener une bonne dose de détermination et une capacité de décision élevée, couplée avec un enthousiasme pour le “contenant”. Cependant, cela ne doit pas me faire perdre de vue que je ne suis pas toujours naturellement enclin à documenter mon processus d’analyse et de création, alors qu’un travail collaboratif repose sur une bonne communication. Et que mon attention se dirige rapidement sur le contenant – parfois au détriment du contenu – ce qui peut mener à avancer dans une direction erronée.»

La clarté avant tout

Au-delà des différences d’approche, c’est l’aspect même de la refonte qui nous a intrigués.

Voici une série de captures d’écran du type de «résultats» dont nous avons discuté. Que remarquez-vous ?

Série de croquis pour la refonte de graphiques. Les croquis sont simples, utilisent des nuances de gris et mettent l'accent sur les annotations et l'étiquetage.
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Pour nous, c’est la priorité donnée à la «clarté» — visuelle en tout cas – qui nous a sauté aux yeux. Des lignes claires, des annotations dans les graphiques, des titres qui donnent du sens, l’utilisation de petits «détails» qui mettent les données en évidence. En contrepartie, peu de métaphores visuelles, peu de décors et peu d’émotions.

Il est vrai que le format de l’exercice (repenser une série de graphiques dans un temps limité par notre charge de travail) a une influence sur le résultat. Après tout, la créativité est, de par sa nature, une pratique inefficiente, et notre but, même inconscient, était de maximiser l’utilisation de notre temps. Attention, cela ne veut pas dire que c’est une mauvaise chose non plus!

Réflexion de Patricia:
«En moyenne, je n’ai pas passé plus de 10 minutes sur chaque graphique, donc je n’ai jamais eu le temps de m’ennuyer suffisamment pour générer des idées créatives. Je passais simplement au suivant.»

Sous influence

Enfin, notre dernière conversation a porté sur les influences qui nous ont amenés à créer les graphiques que nous passions en revue. Pour chacun d’entre eux, nous étions capables de pointer des éléments vus ailleurs ou dans le passé qui nous avaient marqués, influençant ainsi notre «style» personnel.

Par exemple, Patricia peut retracer son utilisation de barres ombrées pour mettre l’emphase sur des proportions à l’influence de Francis et de Timour.

Timour, quant à lui, retrace son utilisation de segments de lignes plus épais pour attirer l’attention de l’auditoire à une infolettre de Stéphanie Evergreen.

Réflexion de timour:
«Je remarque que mes graphiques sont fortement influencés par les designers qui m’ont été recommandé·es au début de ma carrière: Stéphanie Evergreen, Andy Kirk, Cole Nussbaumer, et les grands médias comme The Financial Time, The Guardian. De plus, mon parcours dans le milieu corporatif et les grandes boîtes de conseil m’ont sensibilisé à une esthétique minimaliste et “impersonnelle”. Je pense que je n’avais jamais réalisé à quel point ces influences étaient profondément enracinées en moi. Et bien que je sois attaché à celles-ci et que je reconnaisse leur valeur, cela me fait aussi prendre conscience de mon désir d’étendre ma palette personnelle et de donner plus d’émotion et de personnalité à mes visuels. Le travail de Gabrielle Mérite et de Shirley Wu m’interpelle notamment.»

L’esquisse d’un concept accompagnée de deux exemples tirés du livre de Cole intitulé "Storytelling with data" montrant les inspirations du concept.
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Leçons à tirer

Quelles leçons tirons-nous de cette aventure?

D’abord, que l’ingrédient secret de notre travail se trouve plus dans le mélange et l’équilibre que dans un élément en particulier: c’est en arrivant à composer avec nos intuitions et nos influences, nos forces et nos faiblesses que nous arrivons à livrer notre meilleur travail.

Ce qui nous amène au deuxième point: l’importance de l’introspection et d’examiner ses propres schémas mentaux. C’est en faisant ce type d’exercice que nous apprenons à nous connaître mieux et à continuer de nous développer de manière intentionnelle. De cet apprentissage découle aussi une plus grande sensibilité à nos angles morts et, ainsi, une meilleure collaboration avec le reste de l’équipe.

Nous espérons que l’exercice vous a plu. Si vous avez fait vos propres refontes, n’hésitez pas à nous les partager en nous écrivant sur Bluesky ou même Instagram!!

Timour est designer d'information chez Voilà:. Il voit le design d’information comme une façon de simplifier les tensions vécues par les organisations et les individus.

Patricia Angkiriwang était programmeuse et designer d'information chez Voilà: Son rôle était de mettre en œuvre des visualisations de données interactives et de concevoir des visuels pour les projets des clients. Aujourd'hui, elle travaille à titre de développeuse front-end pour la transition vers une énergie plus propre.

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